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Le Brexit – Quelques conseils pour se préparer au Brexit qui arrive en moins de six mois

Le Brexit arrivera en moins de six mois et entrainera des perturbations économiques, juridiques et politiques. Des négociations concernant les relations économiques après la période de transition continuent mais sans progrès significatif. Il est même possible que rien ne soit convenu et que l'on arrive au fameux "No Deal" favorisé par les Brexiteers ardus.

Sur le plan économique et juridique, il y a malgré les incertitudes concernant le résultat des négociations, des changements et des risques certains auxquels il vaut mieux se préparer maintenant.

Remarques générales sur les principaux risques et défis du Brexit

L'éventail des risques résultant du retrait du Royaume-Uni de l'UE est large et son impact dépend des activités économiques concernées au Royaume-Uni ou dans l'UE27 qu'il s'agisse de la vente de biens; des opérations de fabrication transfrontalières; de la prestation de services; du maintien d'une présence commerciale ou industrielle. Indépendamment de l'issue des futures négociations, il est certain que le Brexit engendrera des coûts et des défis supplémentaires pour tous les opérateurs économiques, tant sur le continent que Outre-Manche. L'issue des négociations sur le futur cadre n'étant pas connu avant quelques mois, les entreprises doivent se préparer en identifiant et en traitant les risques à l'avance.

Même si les risques dépendent des activités particulières d'une entreprise, nous pouvons les regrouper en plusieurs grandes catégories que chaque entreprise et ses filiales doivent évaluer:

  • L'ensemble de la chaîne de fabrication et d'approvisionnement devrait être revue et (re)considérée à la lumière de la sortie du Royaume-Uni de l'UE;
  • Tous les contrats relatifs au Royaume-Uni, qui seront toujours valables ou auront des effets après le 31 décembre 2020, devraient être réexaminés et éventuellement modifiés ou résiliés;
  • Toutes les participations transfrontalières entre le Royaume-Uni et les pays de l'UE27 qui existeront ou auront des effets ou après décembre 2020 devraient être revues et éventuellement modifiées;
  • La situation des personnes travaillant au Royaume-Uni devrait être revue.

En détail[1]:

La fabrication des biens et les chaînes d'approvisionnement

Le Brexit pose les plus grands risques et défis pour la fabrication des biens et les chaînes d'approvisionnement et des matières premières et des biens intermédiaires. Et ceci nonobstant qu'un accord de libre-échange soit conclu. D'emblée, il convient de souligner que toutes les règles communautaires connues concernant la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes entre les pays de l'UE et le Royaume-Uni ne seront plus applicables. La perturbation des échanges entre le Royaume-Uni et les EU27 est garantie même avec un accord de libre-échange.

A partir de janvier 2021, le Royaume-Uni sera un pays tiers. Afin d'évaluer les conséquences du Brexit et la nécessité éventuelle des actions sur le plan de la fabrication des biens et les chaînes d'approvisionnement, il faut examiner votre fabrication des biens et l'approvisionnement comme si le Royaume-Uni était un pays tiers sans accord de libre-échange avec les EU27.

Cela signifie que la circulation des marchandises entre le Royaume-Uni et tout pays de l'UE27 sera soumise à des contrôles douaniers et au paiement de droits de douane. Ni le Royaume-Uni ni les EU27 vont renoncer ni aux contrôles douaniers et sanitaires des biens, ni aux contrôles des personnes ni à contrôler les moyens d'acheminement des biens. Le Royaume Uni a publié la liste des futurs droits de douane qui prévoit de maintenir les droits de douane à des niveaux similaires à ceux de l'UE28 pour les produits industriels. Ceci entraînera des coûts supplémentaires dans les chaînes de fabrication et d'approvisionnement.

Par exemple, si un système de chauffage au gaz fabriqué en Allemagne est installé dans un véhicule automobile fabriqué au Royaume-Uni, qui est ensuite vendu en France, des droits de douane devront être acquittés sur le système de chauffage au gaz au Royaume-Uni et ensuite sur le véhicule en France. Les droits perçus sur les pièces importées peuvent éventuellement être remboursés, mais cela nécessitera des efforts supplémentaires.

Un accord de libre-échange conduirait à des taux de douanes inférieurs ou zéro, mais enlèverait ni contrôles – et la nécessité de se plier aux règles différentes ni les couts supplémentaires engendrés par ceux-ci.

Dans l'exemple ci-dessus, le système de chauffage au gaz doit être certifié par un organisme de certification qui lui-même doit être homologué. Une reconnaissance des organismes de certification entre le Royaume Uni et les EU27 n'est pas encore prévue. D'autres exemples: Aujourd'hui, il existe un guichet unique pour les produits chimiques, les médicaments, les appareils médicaux, les produits pharmaceutiques, etc. Le jour du Brexit, des décennies de progrès vers un commerce sans friction appartiendront à l'histoire, avec l'ironie que ce soit le Royaume-Uni qui ait poussé à l'achèvement du marché unique ou intérieur dans les années 1980!

Ainsi, les coûts liés au respect des normes poseront des défis supplémentaires aux fabricants comme les coûts du personnel pour remplir les documents douaniers, la taxe à la valeur ajouté à payer lors de l'importation. Les livraisons des biens qui doivent franchir la frontière entre le Royaume-Uni et l'UE pourront subir des retards, en raison de contrôles supplémentaires à l'exportation et à l'importation, et il faut en tenir compte dès le départ pour avoir un stock suffisant des biens pour la production.

Comme mentionné, un accord de libre-échange, s'il est conclu, ne réduira ces charges supplémentaires que dans la mesure qu'il évite la perception de droits de douane sur les marchandises originaires de la zone, mais va nécessiter des contrôles. Actuellement, une fois les marchandises dédouanées dans un pays de l'UE, elles peuvent circuler librement dans l'UE. En outre, les mouvements physiques de marchandises et de personnes entre pays feront l'objet d'accords sur le transport (aérien, routier, ferroviaire et maritime).

Une fois la période de transition et le temps nécessaire au législateur britannique pour adopter les modifications révolus, les exigences relatives aux produits divergeront (en supposant que le Royaume-Uni va effectivement (dé)réglementer). Le marquage CE restera valide pendant un certain temps, mais un nouveau symbole, le signe UKCA (UK Conformity Assessed) et de nouvelles règles sont prévues.

En outre, les questions fiscales doivent être prises en compte (pour plus de détails, voir ci-dessous).

Pour toutes ces raisons, les chaînes de fabrication et d'approvisionnement des biens intermédiaires doivent être analysées en termes de viabilité économique et de rentabilité et adaptées si nécessaire. Indépendamment de l'accord de retrait et de l'accord de libre-échange envisagé, les entreprises devraient évaluer leurs coûts et leur exposition aux risques. Elless devraient passer en revue les chaînes de fabrication et d'approvisionnement avec leurs clients et fournisseurs les plus importants:

  • Identifier les fournisseurs les plus importants pour chaque site ou opération de fabrication. Bien que l'importance économique soit essentielle pour déterminer l'importance dans la chaîne de fabrication et d'approvisionnement, il faut accorder de l'attention aux éléments petits, mais stratégiques, dans la chaîne d'approvisionnement, qui pourraient néanmoins avoir une grande incidence sur la production et l'approvisionnement;
  • Analyser les approvisionnements à destination et en provenance du Royaume-Uni:
  • Comment les relations dans la chaîne d'approvisionnement doivent-elles être configurées, en particulier seront-elles maintenues ou remplacées et comment les contrats seront-ils adaptés ? (Pour plus de détails, voir ci-dessous "Contrats relatifs au Royaume-Uni");
  • Comment l'entreprise réagira-t-elle à un retard prévisible ? Vous avez besoin de constituer des stocks, de chercher d'autres fournisseurs, etc.;
  • Comment l'entreprise réagira-t-elle à l'augmentation des coûts et qui les sup­portera ? Les coûts induits par l'augmentation des droits de douane, des taxes sur la valeur ajoutée à l'importation, de la logistique, de la certification des produits, etc. doivent être évalués et pris en compte dans la planification de l'activité. Les contrats futurs devraient inclure des clauses de répartition des responsabilités pour les coûts et les risques (pour plus de détails, voir ci-dessous sous la rubrique "Contrats relatifs au Royaume-Uni");
  • Si la circulation des personnes est restreinte, la question se pose d’où fournir des services comme l'installation, la réparation, et l'entretien) de la France ou d'une succursale en Royaume Uni;
  • Pour les droits de propriété industrielle en particulier des marques communautaires et des dessins ou modèles communautaires il faut vérifier lesquelles devront être déposées ou renouvelées au Royaume-Uni ou dans l'UE27 après le Brexit;
  • Pour la fabrication des produits certifiés CE, il faut revoir celles qui doivent respecter les nouvelles normes de sécurité britanniques;
  • Les systèmes informatiques doivent être reconfigurés à répondre aux nouvelles exigences en matière de déclarations en douane et de déclarations statistiques. Il convient de tenir compte d'éventuelles exigences divergentes en matière de protection des données lors du traitement des données;


  • Identifier les clients les plus importants qui sont approvisionnés à partir de différentes usines;
  • Analyser les clients situés au Royaume-Uni ou approvisionnés par le Royaume-Uni:
  • Comment les relations dans la chaîne d'approvisionnement doivent-elles être configurées après le Brexit en particulier si elles doivent être maintenues ou remplacées et comment les contrats doivent-ils être adaptés ? (Pour plus de détails, voir ci-dessous sous la rubrique "Contrats relatifs au Royaume-Uni");
  • Comment l'entreprise devrait-elle gérer l'augmentation des coûts et qui devrait assumer la responsabilité de ces coûts et risques ?

Contrats liés au Royaume-Uni

Les contrats qui resteront en vigueur au-delà du Brexit doivent être examinés de près. Certains contrats à long terme peuvent ne plus être adéquats et devraient être adaptés ou résiliés. Pour les nouveaux contrats qui resteront valables après le Brexit, la répartition des coûts et des responsabilités en matière de risques doit être prise en considération lors de la négociation du contrat et être clairement énoncée.

La répartition des risques et des coûts supplémentaires résultant de l'utilisation du Brexit est un aspect essentiel qui doit être examiné et (re)pris en compte dans les contrats existants et futurs. Celles-ci peuvent être causées par des retards aux frontières, des pénuries d'approvisionnement, des contrôles supplémentaires à l'exportation et à l'importation et de nouvelles exigences en matière de documentation. Les modifications concernant les modalités de présentation des documents et des licences, les douanes, la TVA et la taxe sur le chiffre d'affaires à l'importation entraîneront des coûts à long terme.

En outre, dans le cas de limitations territoriales ou de droits de propriété industrielle, il convient d'examiner si le contrat inclut toujours le Royaume-Uni après leBrexit. Si tel n'est pas le cas, il convient d'évaluer s'il convient d'adapter le contrat en question.

Dans la plupart des cas, les risques associés au Brexit n'auront pas été calculés et pris en compte et l'attribution ou le partage des responsabilités pour les nouveaux risques n'auront pas été convenus et énoncés dans le contrat. Il sera rarement possible de résilier un contrat parce que la base implicite du contrat n'existe plus (ce qui peut conduire à une adaptation du contrat en droit allemand) ou pour "frustration" (ce qui peut conduire à la résiliation d'un contrat en droit britannique).

Indépendamment de la conclusion d'un accord de libre-échange, une entreprise devrait:

  • Identifier les contrats les plus importants (jugés nécessaires pour la fabrication et les chaînes d'approvisionnement);
  • Examiner la répartition des coûts et l'attribution des responsabilités pour les risques, en tenant compte de la loi applicable;
  • En particulier, revoir la répartition des surcoûts et la répartition des responsabilités pour les risques liés aux retards, aux services supplémentaires, aux autorisations supplémentaires requises normes de sécurité et de certification et à l'impossibilité d'exécuter un contrat;
  • Si ces éléments ne sont pas encore définis, sera-t-il possible de résilier ou d'adapter le contrat?
  • Quelle loi applicable et quelle juridiction ont été convenues?
  • Adapter ou résilier les contrats comportant plus de risques, si possible;
  • Pensez à vous protéger contre les fluctuations des devises;
  • Conclure de nouveaux contrats avec une répartition appropriée des coûts et une répartition des risques, en tenant compte du choix de la loi applicable et de la juridiction compétente et éventuellement prévoyant un arbitrage plutôt qu'une procédure judiciaire en cas de litige.

Droit des sociétés

Après la période de transition, les entreprises établies et opérant au Royaume-Uni n'auront plus à se conformer aux règles de l'UE et ne bénéficieront plus des règles de l'UE en ce qui concerne leurs filiales dans les pays de l'UE, sauf si la législation britannique ou les accords internationaux ou bilatéraux appliquent des règles similaires ou identiques au droit communautaire. Les règlements de l'UE concernant la divulgation, la constitution en société, la transparence, le maintien et la modification du capital, les restructurations transfrontalières et les fusions ne s'appliqueront plus au Royaume-Uni. Il en va de même pour les règles relatives au régime fiscal commun applicable aux paiements d'intérêts et de redevances effectués entre sociétés associées d'États membres différents et à l'élimination de la double imposition au sein des groupes de sociétés en ce qui concerne la répartition des bénéfices entre sociétés européennes liées.

Avec le temps, le droit britannique des sociétés pourrait commencer à s'écarter des exigences actuelles du droit communautaire puisqu'il n'aura plus à se conformer à la réglementation européenne. Les sociétés britanniques souhaitant établir une succursale dans l'UE seront en principe soumises aux formalités de publicité plus étendues applicables aux succursales de sociétés non communautaires. Elles seront traitées comme des entreprises de pays tiers.

Les sociétés qui utilisent la forme juridique anglaise de société anonyme mais qui sont situées dans les États membres de l'UE ne pourront plus se prévaloir du droit d'établissement accordé par les traités européens. Après le Brexit, les sociétés anonymes résidant en Allemagne, par exemple, ne seront plus considérées comme des sociétés de capitaux mais elles seront soumises aux règles applicables aux sociétés de personnes et pourraient perdre leur statut de société à responsabilité limitée. En conséquence, les actionnaires de ces sociétés anonymes peuvent être tenus personnellement responsables sans limitation.

Un État membre de l'UE peut à l'avenir exiger des sociétés résidant au Royaume-Uni qu'elles désignent un représentant fiscal lorsqu'elles s'immatriculent à la TVA dans l'UE. En règle générale, le représentant est solidairement responsable des dettes et des comptes de l'entreprise au titre de la TVA.

Enfin, le Brexit aura des conséquences pour les comités d'entreprise européens puisque les accords de CEE en vertu du droit britannique ne seront pas automatiquement maintenus. Si les accords ne sont pas renégociés, les CEE perdront leurs membres britanniques.

Ce que les entreprises devraient faire:

  • Déterminer les accords concernant les paiements de dividendes et de redevances, les fournitures ainsi que la fourniture de biens et de services au sein d'un groupe de sociétés;
  • Examiner les réglementations fiscales qui s'appliquent si les réglementations de l'UE ne sont plus applicables (voir les conventions de double imposition);
  • Calculer les conséquences financières des changements à venir et envisager des mesures d'optimisation;
  • Si des changements de la structure du groupe sont déjà envisagés, vérifiez s'il est approprié de les mettre en œuvre avant ou si cela est encore utile après le Brexit;
  • Déterminer les flux de trésorerie au sein du groupe de sociétés et s'ils doivent être adaptés;
  • Déterminer s'il y a des profits et des pertes accumulés et s'ils peuvent être réclamés ou compensés après le Brexit;
  • Si vous avez une société anonyme établie dans un pays de l'UE27, préparez les adaptations appropriées en droit des sociétés selon la législation nationale du pays du siège.

À notre avis, les points susmentionnés sont les questions les plus importantes que vous devez prendre en considération. Cependant, chaque entreprise est différente et sera confrontée à des risques et des défis différents en raison du Brexit. Des conseils juridiques sur mesure sont donc fortement recommandés.

En résumé, les entreprises ont tout intérêt à revoir, modifier et reconfigurer leurs chaînes de fabrication et de vente, afin de les rendre pérennes.

Dr Rainer Bierwagen


[1] Voir également les communications de la Commission européenne sur la preparation au Brexit, avec le lien https://ec.europa.eu/info/european-union-and-united-kingdom-forging-new-partnership/future-partnership/getting-ready-end-transition-period_fr et une presentation générale, COM(2020)324, avec le lien https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?qid=1595170410447&uri=CELEX:52020DC0324.

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